S’il avait le cœur aussi tendre que moi, il serait impossible que tant de sensibilité de part et d’autre ne se heurtât quelquefois, et qu’il n’en résultât des querelles. Meurs donc, jeune insensé ; meurs, homme à la fois féroce et lâche, mais sache en mourant que tu laisses dans l’âme d’un honnête homme à qui tu fus cher la douleur de n’avoir servi qu’un ingrat. Puisque vous approuvez l’idée qui m’est venue, je ne veux pas tarder un moment à vous marquer que tout vient d’être conclu, et à vous expliquer de quoi il s’agit, selon la permission que j’en ai reçue en répondant de vous. raisonnons. A Dieu ne plaise, ô chère amie de mon cœur, que je veuille rassurer le tien par ces honteuses maximes ! Il faut monter à bord, il faut partir. Cependant comme je ne cesserai jamais de prendre à vous le plus tendre intérêt, et que ce sentiment est aussi pur que le jour qui m’éclaire, je serai bien aise de savoir quelquefois de vos nouvelles et de vous voir parvenir au bonheur que vous méritez. Je te l’avoue à ma honte, je fus moins prompte que M. d’Orbe à lui sauter au cou : sans savoir encore la raison de son voyage, j’en prévoyais la conséquence. Ce qu’il faut vous apprendre encore, c’est qu’étant allé dans son pays pour mettre ordre à ses affaires, il s’est trouvé enveloppé dans la dernière révolution, qu’il y a perdu ses biens, qu’il n’a lui-même échappé à l’exil en Sibérie que par un bonheur singulier, et qu’il revient avec le triste débris de sa fortune, sur la parole de son ami, qui n’en manqua jamais à personne. Non, non ; c’est en vain qu’elle prétend m’oublier. Quel effort de courage le sénat même n’admira-t-il pas dans le consul Varron pour avoir pu survivre à sa défaite ! Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse Qui n’a jamais condamné le désir ? Il en juge avec une profonde sagesse et la plus parfaite impartialité. Devant qui m’avilirais-je au gré de mes remords ? Je n’avais plus d’honneur que le vôtre, plus d’espérance qu’en votre bonheur, et les sentiments qui me venaient de vous étaient les seuls dont je crusse pouvoir être encore émue. Vos regrets me vengeront un jour des maux que vous me faites, et vous sentirez trop tard que votre haine aveugle et dénaturée ne vous fut pas moins funeste qu’à moi. Tu veux t’autoriser par des exemples ; tu m’oses nommer des Romains ! L'histoire [modifier | modifier le wikicode]. La parité est exacte pour qui croit l’immortalité de l’âme ; car si je sacrifie mon bras à la conservation d’une chose plus précieuse, qui est mon corps, je sacrifie mon corps à la conservation d’une chose plus précieuse, qui est mon bien-être. Mon bon ami, laissons retomber ce voile : avons-nous besoin de voir le précipice affreux qu’il nous cache pour éviter d’en approcher ? Que ne puis-je achever de perdre ainsi la raison, puisque le peu qui m’en reste ne sert plus qu’à me tourmenter ! Je ne cesserai de demander au ciel, pour vous et pour moi, cette félicité pure, et ne serai contente qu’après l’avoir obtenue pour tous les deux. Cette question me touche, et en la faisant vous m’aidez à y répondre ; car, bien loin de chercher l’oubli dont vous parlez, j’avoue que je ne saurais être heureuse si vous cessiez de m’aimer ; mais je le suis à tous égards, et rien ne manque à mon bonheur que le vôtre. Chaque fois que deux époux s’unissent par un nœud solennel, il intervient un engagement tacite de tout le genre humain de respecter ce lien sacré, d’honorer en eux l’union conjugale ; et c’est, ce me semble, une raison très forte contre les mariages clandestins, qui, n’offrant nul signe de cette union, exposent des cœurs innocents à brûler d’une flamme adultère. Elle est destinée pour la mer du Sud, où elle doit se rendre par le détroit de Le Maire, et en revenir par les Indes orientales. On se fait une loi de garder en sa présence l’ancienne familiarité ; mais si la tendresse maternelle profite avec plaisir de ce prétexte, une fille confuse n’ose livrer son cœur à des caresses qu’elle croit feintes, et qui lui sont d’autant plus cruelles, qu’elles lui seraient douces si elle osait y compter. O vous que le ciel suscita dans sa colère pour me rendre malheureuse et coupable, pour la dernière fois recevez dans votre sein des larmes dont vous êtes l’auteur. Ah ! La Nouvelle Héloïse Rousseau Julie, ou La Nouvelle Héloïse est le récit d'une passion impossible entre Saint-Preux, un précepteur roturier, et son élève Julie, fille du baron d'Etanges. Une mission jésuite à Brissac, province dAnjou, en 1707, Synthèse de la méthodologie et choix de sujet pour un TPE en 1ère : inégalités et systèmes de santé publics en France et aux États-Unis, La Fontaine, "La Fille" : analyse linéaire, Fiches de grammaire pour Agrégation et Capes, La notion de surprise dans le recueil "Alcools" de Guillaume Apollinaire, La Princesse de Clèves - Mme de Lafayette: Le point de vue métaphysique et moral prédomine partout dans l'oeuvre, La notion de fiction: Thomas Pavel, Univers de la fiction. Tes funestes projets exécutés ne troubleront-ils point la paix d’une âme rendue avec tant de peine à sa première innocence ? Mais il faut respecter les volontés d’un ami, d’un bienfaiteur, d’un père. Coupable et non dépravée, je ne pus échapper aux remords qui m’attendaient ; l’honnêteté me fut chère même après l’avoir perdue ; ma honte, pour être secrète, ne m’en fut pas moins amère ; et quand tout l’univers en eût été témoin, je ne l’aurais pas mieux sentie. Je vais m’occuper uniquement des soins que je dois à milord Edouard ; il veut m’entraîner en Angleterre ; il prétend que je puis l’y servir. Le deuil de ma mère allait finir, et ma douleur était à l’épreuve du temps. Il était trop tard ; ce que j’avais pris pour la froideur d’un amour éteint n’était que l’abattement du désespoir. Les Tragiques, première partie du vers 43 au vers 61 - Agrippa d'Aubigné (1616), Conditions générales & politique de confidentialité, Les procédés favorisant l'expression des sentiments intimes par l'écriture épistolaire, L'importance du rapport de l'homme avec la nature. c’est un effort que l’univers entier ne m’eût pas fait faire, et qu’il n’appartenait qu’à vous d’obtenir. Non que je me fasse fort d’un courage que je hais, ni que je voulusse d’une vertu si coûteuse : mais je me crois moins coupable en me reprochant mes fautes qu’en m’efforçant de les justifier ; et je regarde comme le comble du crime d’en vouloir ôter les remords. Julie ! Non, non, quelque supplice que j’éprouve à le sentir et le dire, jamais vous ne fûtes mieux ma Julie qu’au moment que vous renoncez à moi. Voilà, trop aimable cousine, de quoi bannir les terreurs funèbres qui t’alarmaient sans sujet. Que me parlez-vous du danger de sa mère ? Combien de gens préfèrent la mort à la médecine ! De retour au logis, je soupirais après une heure de solitude et de recueillement. Comment perdrais-je mes anciens sentiments pour vous tandis que vous en méritez chaque jour de nouveaux ? Et n’est-il pas bien étrange que dans les exemples de gens qui se sont donné la mort, on n’y trouve pas un seul mot de blâme contre aucun de ces exemples ! Le lendemain, nouvel embarras ; il voulait te voir absolument. O si tu connaissais l’état de ce cœur serré de détresse ! Je le pris par la main ; il tremblait comme la feuille. et qu’un cœur vivement touché se détache avec peine des erreurs même qu’il aperçoit ! Je l’ai résolu, je le jure ; je ne vous parlerai plus de moi. 2015 Il dialogo dei tre massimi sistemi (2014) Napoli : Liguori editore , cop. fus-tu placé sur la terre pour n’y rien faire ? Si la tristesse attendrit l’âme, une profonde affliction l’endurcit. Le ciel daigne-t-il me guider au moins un fois, et m’invite-t-il à suivre celui qu’il me fit aimer ? Je les sens joints par une existence commune qu’ils ne peuvent perdre qu’à la mort. Elle n’a pu lire votre lettre sans attendrissement ; elle a même eu la faiblesse de la laisser voir à sa fille ; et l’effort qu’a fait la pauvre Julie pour contenir à cette lecture ses soupirs et ses pleurs l’a fait tomber évanouie. Il ne rit point ; il est sérieux sans donner envie de l’être ; au contraire, son abord serein semble m’inviter à l’enjouement ; et comme les plaisirs que je goûte sont les seuls auxquels il paraît sensible, une des attentions que je lui dois est de chercher à m’amuser. M. de Wolmar avançait en âge ; et, quoique riche et de grande naissance, il ne trouvait point de femme qui lui convînt. Ah ! Homme petit et faible, qu’y a-t-il entre Caton et toi ? Il m’est consolant de songer que vous avez souvent nourri mon esprit des grandes idées de la religion ; et vous, dont le cœur n’a rien de caché pour moi, ne m’en eussiez pas ainsi parlé si vous aviez eu d’autres sentiments. Si j’ai évité dans ma lettre précédente de parler de M. de Wolmar, je l’ai fait par ménagement pour vous. Pesez ces considérations, milord, rassemblez toutes ces raisons, et vous trouverez qu’elles se réduisent au plus simple des droits de la nature qu’un homme sensé ne mit jamais en question. Nous renaissons, ma Julie ; tous les vrais sentiments de nos âmes reprennent leurs cours. Jamais il ne brûla d’un feu si sacré ; jamais ton innocence et ta vertu ne lui fut si chère. La dernière modification de cette page a été faite le 22 février 2017 à 20:00. que peux-tu faire ? Il faut attendre l’ordre, j’en conviens ; mais quand je meurs naturellement, Dieu ne m’ordonne pas de quitter la vie, il me l’ôte : c’est en me la rendant insupportable qu’il m’ordonne de la quitter. Ma cousine, raille-moi, si tu veux, de ma simplicité ; mais il y a dans cette vision je ne sais quoi de mystérieux qui la distingue du délire ordinaire. Mon impatience, un peu trop visible, n’abrège pas ces délais. Je vous connaissais trop pour ignorer ce qu’un pareil aveu devait vous coûter, quand même j’aurais cessé de vous être chère ; je vis que l’amour, vainqueur de la honte, avait pu seul vous l’arracher. Half title: Julie, ou La nouvelle Héloïse. Celles que vous m’écrivîtes de Meillerie y mit le comble ; à mes propres douleurs se joignit le sentiment de votre désespoir. Je dirai plus : je ne puis croire que les vices qui nous corrompent nous soient plus inhérents que nos chagrins ; non seulement je pense qu’ils périssent avec le corps qui les occasionne, mais je ne doute pas qu’une plus longue vie ne pût suffire pour corriger les hommes, et que plusieurs siècles de jeunesse ne nous apprissent qu’il n’y a rien de meilleur que la vertu. Elle n’ignore rien de tout cela ; mais vous dirai-je ce que je pense de ses remords apparents ? Julie; Ou, La Nouvelle Héloïse: Lettres De Deux Amants .. (French Edition) [Rousseau, Jean-Jacques] on Amazon.com. Ne vaut-il pas mieux en conserver au moins ce qui peut s’accorder avec l’innocence ? En effet, disent-ils, un tort qui n’est que dans l’opinion n’est-il pas nul quand il est secret ? Dans le désespoir que j’en conçus, l’imprudent rendez-vous qui mettait votre vie en danger fut une témérité que mon fol amour me voilait d’une si douce excuse : je m’en prenais à moi du mauvais succès de mes vœux, et mon cœur abusé par ses désirs ne voyait dans l’ardeur de les contenter que le soin de les rendre un jour légitimes. Ah ! Tu t’ennuies de vivre. Je ne puis vous en dire aujourd’hui davantage, parce que ce projet sur le point d’éclore est pourtant encore un secret dont je ne suis pas le maître. — Savez-vous pourquoi je parais avoir changé de conduite envers vous ? Premièrement, il me semble que votre extrême délicatesse vous jette à cet égard dans l’erreur, et je ne vois point sur quel fondement la plus austère vertu pourrait exiger une pareille confession. Moins dignes d’être heureux, ils l’étaient pourtant encore. Voilà, mon bon ami, une idée abrégée, mais fidèle, du caractère de M. de Wolmar, autant que je l’ai pu connaître depuis que je vis avec lui. Et vous ne seriez plus ma Julie ? Supposons ces raisonneurs matérialistes ; on n’en est que mieux fondé à leur opposer la douce voix de la nature, qui réclame au fond de tous les cœurs contre une orgueilleuse philosophie, et qu’on n’attaqua jamais par de bonnes raisons. trouve-moi ce juste qui se vante d’avoir assez vécu ; que j’apprenne de lui comment il faut avoir porté la vie, pour être en droit de la quitter. Je serai malheureux, sans doute ; mais si jamais la voix du sang s’élève au fond de votre cœur, combien vous le serez plus encore d’avoir sacrifié à des chimères l’unique fruit de vos entrailles, unique au monde en beauté, en mérite, en vertus, et pour qui le ciel prodigue de ses dons n’oublia rien qu’un meilleur père ! Effectivement, si Julie ne répondait pas à sa confiance, elle ne serait plus digne de ses soins, et il faudrait vous étouffer l’un et l’autre si vous étiez capables de tromper encore la meilleure des mères, et d’abuser de l’estime qu’elle a pour vous. Formez tous trois ma seule existence, et que votre bonheur me fasse oublier ma misère et mon désespoir. O Dieu ! Je ne veux plus m’en rappeler l’insupportable souvenir. Aurais-je plus respecté les droits d’un amour éteint que je n’avais respecté ceux de la vertu, jouissant encore de tout leur empire ? Outre cela, s’il est vrai, comme Julie et vous me l’avez tant dit, que l’amour soit le plus délicieux sentiment qui puisse entrer dans le cœur humain, tout ce qui le prolonge et le fixe, même au prix de mille douleurs, est encore un bien. Il y a plus ; celui de Samson est autorisé par un prodige qui le venge de ses ennemis. j’étais mortel, et j’osais goûter… Que vais-je voir maintenant dans ce même objet qui faisait et partageait mes transports ? Julie, reprenez la garde de vous-même ; je vous rends un dépôt trop dangereux pour la fidélité du dépositaire, et dont la défense coûtera moins à votre cœur que vous n’avez feint de la craindre. ». Le sujet est de la dernière importance, et je vous exhorte à bien peser mes raisons. j’accélérai ma perte au lieu de la prévenir, j’employai du poison pour palliatif ; et ce qui devait vous faire taire fut précisément ce qui vous fit parler. Ce fut alors que l’invincible amour me rendit des forces que je croyais n’avoir plus. Que font maintenant ces amants si tendres, qui brûlaient d’une flamme si pure, qui sentaient si bien le prix de l’honnêteté ? Adieu, mon cher et bon ami ; si je croyais que la fortune pût vous rendre heureux, je vous dirais : « Courez à la fortune » ; mais peut-être avez-vous raison de la dédaigner avec tant de trésors pour vous passer d’elle ; j’aime mieux vous dire : « Courez à la félicité », c’est la fortune du sage. Même en supposant ce bizarre sentiment, qui n’aimerait mieux aigrir un moment la douleur présente par l’assurance de la voir finir, comme on scarifie une plaie pour la faire cicatriser ? Eh bien ! Je ne vous dois que la haine, et vous n’avez rien à prétendre de moi. L’univers n’a jamais vu de passion soutenir cette épreuve ; quel droit avez-vous d’espérer que la vôtre l’eût soutenue ! ». Ce fut un violent chagrin pour elle ; mais que de plaisirs réparèrent le mal qu’il pouvait lui faire ! Il y a six ans à peu près que je vous vis pour la première fois ; vous étiez jeune, bien fait, aimable ; d’autres jeunes gens m’ont paru plus beaux et mieux faits que vous ; aucun ne m’a donné la moindre émotion, et mon cœur fut à vous dès la première vue. Que t’importent mes droits, mes besoins, mon empressement ? De la considération de l’ordre je tire la beauté de la vertu, et sa bonté de l’utilité commune. Hélas ! Oui, mon bon et digne ami, pour nous aimer toujours il faut renoncer l’un à l’autre. Cependant cet état d’opprobre m’était odieux. Comment l’attrait de la vertu ne dégoûte-t-il pas pour toujours du vice ceux qui l’ont une fois connue ? Est-il raisonnable d’appliquer d’aussi violents remèdes aux maux qui s’effacent d’eux-mêmes ? L’amour que j’ai connu ne peut naître que d’une convenance réciproque et d’un accord des âmes. Un cruel fardeau me pèse sur le cœur. A son aspect j’éprouvai cette vive et délicieuse émotion que me donnait quelquefois sa présence inattendue. Tout cela me réussit mal : on ne sort point de son naturel impunément. Non, celle dont il attend désormais toute sa consolation ne contristera pas son âme accablée d’ennuis ; je n’aurai point donné la mort à tout ce qui me donna la vie. Ta faiblesse t’exempte-t-elle de tes devoirs, et pour n’avoir ni nom ni rang dans ta patrie, en es-tu moins soumis à ses lois ? Votre cœur n’entend pas peut-être ces détours du sien ; mais ils n’en sont pas moins naturels : car votre amour à tous deux, quoique égal en force, n’est pas semblable en effets ; le vôtre est bouillant et vif, le sien est doux et tendre ; vos sentiments s’exhalent au dehors avec véhémence, les siens retournent sur elle-même, et, pénétrant la substance de son âme, l’altèrent et la changent insensiblement. Je l’embrassai pourtant avec un serrement de cœur qu’il partageait, et qui se fit sentir réciproquement par de muettes étreintes, plus éloquentes que les cris et les pleurs. Il est assez précieux pour lui rendre supportable la perte de tous les autres. Je ne veux pas faire un livre à son exemple et je ne suis pas fort content du sien ; mais j’espère imiter son sang-froid dans cette discussion. Est-il quelque lieu dans l’univers où quelque être existant ne soit pas sous sa main, et agira-t-il moins immédiatement sur moi quand ma substance épurée sera plus une, et plus semblable à la sienne ? Au lieu de jeter au feu votre première lettre ou de la porter à ma mère, j’osai l’ouvrir : ce fut là mon crime, et tout le reste fut forcé. Vous connaissez mon âme, et vous devinerez aisément ce qu’il ne vous dira pas. Historian Robert Darnton has argued that Julie "was perhaps the biggest best-seller of the century".Publishers could not print copies fast enough so they rented the book out by the day and even by the hour. Faites, milord ; ordonnez de moi ; vous ne serez désavoué sur rien. En effet, dans une société de plus en plus laïque, le livre permet de s'ouvrir à la rêverie et aux plaisirs de l'imagination. L’amour, ce sentiment céleste, ne sera plus pour eux qu’un honteux commerce. Adieu, beautés incomparables. Votre lettre, plus propre à réveiller les remords qu’à les prévenir, acheva de m’égarer. Pénétré d’une douleur qui doit durer autant que moi, je me jette à vos pieds, Madame, non pour vous marquer un repentir qui ne dépend pas de mon cœur, mais pour expier un crime involontaire en renonçant à tout ce qui pouvait faire la douceur de ma vie. Oui, c’est l’honnêteté du tien qui nous perd ; les sentiments droits qui le remplissent en ont chassé la sagesse. Qui m’a conservé ma réputation et l’estime de ceux qui me sont chers ? Il était à genoux ; il prit une de mes mains et sans dégoûter de l’état où elle était, sans craindre la communication d’un venin si terrible, il la couvrait de baisers et de larmes. Le roman épistolaire. Je reprends mon récit. Quelles sont enfin ces douleurs si cruelles qui te forcent de la quitter ? Rentrez au fond de votre conscience, et cherchez si vous n’y retrouveriez point quelque principe oublié qui servirait à mieux ordonner toutes vos actions, à les lier plus solidement entre elles et avec un objet commun. Qui peut sentir ce que je souffre n’est-il pas né pour toujours souffrir ? Mes yeux ont vu fermer les siens pour jamais ; ma bouche a reçu son dernier soupir ; mon nom fut le dernier mot qu’elle prononça ; son dernier regard fut tourné vers moi. porte la peine de ma lâcheté. Peut-être y trouverai-je des leçons pour bien user de celui qui me reste ; peut-être y trouverez-vous des lumières pour expliquer ce que ma conduite eut toujours d’obscur à vos yeux. Le plus grand goût de M. de Wolmar est d’observer. Le ciel en avait autrement ordonné. Julie ou La Nouvelle Héloïse, Jean-Jacques Rousseau, Flammarion. l’exact dénombrement que tu fais ! On ne voit point les esprits, je le veux croire ; mais deux âmes si étroitement unies ne sauraient-elles avoir entre elles une communication immédiate, indépendante du corps et des sens ? But what was truly astonishing regarding Julie 's popularity was not just its sales statistics, but the emotions it brought out in its readers. Je vis que tu l’avais reconnu ; et, malgré sa résistance et ses plaintes, je l’arrachai de la chambre à l’instant, espérant éluder l’idée d’une si courte apparition par le prétexte du délire. Tels sont les préceptes généraux que le bon sens dicte à tous les hommes, et que la religion autorise. Toi, des Romains ! Je reviens à mon rêve. En la lisant, j’ai senti dans mon propre cœur combien le vôtre eût abhorré de près, même au sein de l’amour, un engagement criminel dont l’éloignement nous ôtait l’horreur. Mais qu’en général ce soit, si l’on veut, un bien pour l’homme de ramper tristement sur la terre, j’y consens : je ne prétends pas que tout le genre humain doive s’immoler d’un commun accord, ni faire un vaste tombeau du monde. Oh ! Attendez qu’elle vous écrive ; c’est ce qu’elle fera dans peu. J’ai longtemps médité sur ce grave sujet. Ce document a été mis à jour le 31/08/2007 Vous avez daigné m’ouvrir votre cœur ; je connais vos peines, vous ne souffrez pas moins que moi ; vos maux sont sans remède ainsi que les miens, et d’autant plus sans remède, que les lois de l’honneur sont plus immuables que celles de la fortune. Vous avez votre guide en vous-même ; vous l’avez pu négliger, mais vous ne l’avez jamais rebuté. A ce pur sang je mêlerais celui qui brûle dans mes veines d’un feu que rien ne peut éteindre, je tomberais dans tes bras ; je rendrais sur tes lèvres mon dernier soupir… Je recevrais le tien… Julie expirante !…ces yeux si doux éteints par les horreurs de la mort !… ce sein, ce trône de l’amour déchiré par ma main, versant à gros bouillons le sang et la vie !… Non, vis et souffre ! Enfin le voile est déchiré ; cette longue illusion s’est évanouie ; cet espoir si doux s’est éteint ; il ne me reste pour aliment d’une flamme éternelle qu’un souvenir amer et délicieux qui soutient ma vie et nourrit mes tourments du vain sentiment d’un bonheur qui n’est plus. Ces distinctions me semblent faciles, le sens commun suffit pour les faire. C’était bien à moi d’oser soupirer pour vous ! O Julie, quel est ton inconcevable empire ! Ouvrez-lui le vôtre, mon aimable ami ; recueillez dans votre sein les longs discours de l’amitié : si quelquefois elle rend diffus l’ami qui parle, elle rend toujours patient l’ami qui écoute. Mon ami, ce retour ne vous sera pas difficile. En se contemplant de si près dans deux états si différents, on en sent mieux le prix de celui où l’on est remonté, et l’on en devient plus attentif à s’y soutenir. Commentaire de texte de 2 pages en littérature : Julie ou la Nouvelle Héloïse, Lettre XXIII à Julie - Jean-Jacques Rousseau (1761) - Dans quelle mesure cet extrait s'inscrit-il dans le pathétique du roman épistolaire ?. Je fus plus maltraitée que cela, et cependant tu vois que je ne suis pas trop mal encore. Un dépit, une rage inflexible m’aigrit contre tant de revers. Le seul moyen qu’ait trouvé la raison pour nous soustraire aux maux de l’humanité n’est-il pas de nous détacher des objets terrestres et de tout ce qu’il y a de mortel en nous, de nous recueillir au dedans de nous-mêmes, de nous élever aux sublimes contemplations, et si nos passions et nos erreurs font nos infortunes, avec quelle ardeur devons-nous soupirer après un état qui nous délivre des unes et des autres ? Je suis amant, je suis aimé, je le sens ; mais je ne suis qu’un homme, et il est au-dessus de la force humaine de renoncer à la suprême félicité. Lactance et Augustin, qui les premiers avancèrent cette nouvelle doctrine, dont Jésus-Crist ni les apôtres n’avaient pas dit un mot, ne s’appuyèrent que sur le raisonnement du Phédon, que j’ai déjà combattu ; de sorte que les fidèles ; qui croient suivre en cela l’autorité de l’Evangile, ne suivent que celle de Platon. c’est ce qui redouble mes peines de songer qu’elles finiront ! A quelle douleur veut-on se soustraire qui ne nous vienne pas de sa main ? Mais toi, qui es-tu ? En supposant qu’il ait tenu réellement les discours que Platon lui fait tenir, croyez-moi, milord, il les eût médités avec plus de soin dans l’occasion de les mettre en pratique ; et la preuve qu’on ne peut tirer de cet immortel ouvrage aucune bonne objection contre le droit de disposer de sa propre vie, c’est que Caton le lut par deux fois tout entier la nuit même qu’il quitta la terre. Si quelquefois nous étions humiliés par la honte, nous nous disions en déplorant nos faiblesses : au moins il voit le fond de nos cœurs, et nous en étions plus tranquilles. Non, non, Monsieur, quelque opinion que vous ayez de vos procédés, ils ne m’obligent point à renoncer pour vous à des droits si chers et si bien mérités de mon cœur. Comment prouvent-ils qu’il est indifférent à un père d’avoir des héritiers qui ne soient pas de son sang ; d’être chargé peut-être de plus d’enfants qu’il n’en aurait eu, et forcé de partager ses biens aux gages de son déshonneur sans sentir pour eux des entrailles de père ? Quoi qu’il en soit, malgré les fautes dont vous êtes cause, cette honnêteté de cœur qui se fait sentir dans votre amour mutuel lui a donné une telle opinion de vous, qu’elle se fie à la parole de tous deux sur l’interruption de votre correspondance, et qu’elle n’a pris aucune précaution pour veiller de plus près sur sa fille. Je m’en souviens, il fut un instant où je ne demandais qu’une heure au ciel, et où je serais mort désespéré si je ne l’eusse obtenue. Julie, ou La nouvelle Héloïse; ou Lettres de deux amants, habitants d'une petite ville au pied des Alpes; recueillies et publiées by Rousseau, Jean-Jacques, 1712-1778. Que me parlez-vous du bonheur de Julie ? Le public est en quelque sorte garant d’une convention passée en sa présence, et l’on peut dire que l’honneur d’une femme pudique est sous la protection spéciale de tous les gens de bien. Enfin votre engagement ne sera pas fort long. ». Robeck fit l’apologie de la mort volontaire avant de se la donner. Vous faites plus que sentir cela, mon généreux ami, vous l’exécutez dans le plus douloureux sacrifice qu’ai jamais fait un amant fidèle. Je me rendais le témoignage que nul tendre souvenir n’avait profané l’engagement solennel que je venais de prendre. Si M. de Wolmar avait reçu ma confession, il déciderait jusqu’à quel point nous pouvons nourrir les sentiments de l’amitié qui nous lie, et nous en donner les innocents témoignages ; mais, puisque je n’ose le consulter là-dessus, j’ai trop appris à mes dépens combien nous peuvent égarer les habitudes les plus légitimes en apparence. Quelle est la borne où finit sa puissance, et où l’on peut légitimement résister ? n’est-il pas permis de s’attendrir en disant à son ami le dernier adieu ? Il faut le voir pour le comprendre. Un instant je me crus délivrée de ses persécutions. … Je ne veux plus entendre ni prononcer le nom de Julie ni le vôtre. Tu souffres, tu dois chercher à ne plus souffrir. c’est en vous perdant que je vous ai retrouvée. Vous vîntes ; je vous vis, et je crus n’avoir fait qu’un de ces rêves qui vous offraient si souvent à moi durant mon délire. Si vous vous obstinez auprès d’elle, vous pourrez triompher aisément ; mais vous croirez en vain posséder la même Julie, vous ne la retrouverez plus. La génération d’un homme a-t-elle coûté plus à la Providence que celle d’un fétu, et l’une et l’autre n’est-elle pas également son ouvrage ? J’ajouterai seulement que si vous négligez cette heureuse et rare occasion, vous ne la retrouverez probablement jamais, et la regretterez peut-être toute votre vie. Je ne pouvais alléguer ni l’un ni l’autre pour éluder ma promesse ; il fallut l’accomplir. On ne s’épouse point pour penser uniquement l’un à l’autre, mais pour remplir conjointement les devoirs de la vie civile, gouverner prudemment la maison, bien élever ses enfants. Qu’il lui fut doux de sentir combien elle en était chérie ! Passons. On ne pouvait être plus mal préparé ; mais c’était l’inoculation de l’amour, elle fut heureuse. Elle est encore, je l’avoue, douce, généreuse, compatissante ; l’aimable habitude de bien faire ne saurait s’effacer en elle ; mais ce n’est plus qu’une habitude aveugle, un goût sans réflexion. Le congé n’est-il pas dans le mal-être ? que ses grâces sont languissantes ! Je vous supplie aussi de ne plus m’écrire. Sans me permettre de me lever, il me serrait les genoux, et, fixant ses yeux mouillés sur les miens, il me dit d’une voix touchante que j’entends encore au dedans de moi : « Ma fille, respecte les cheveux blancs de ton malheureux père ; ne le fais pas descendre avec douleur au tombeau, comme celle qui te porta dans son sein ; ah !
julie ou la nouvelle héloïse i 23 2021